Vous ne pouvez vous empêcher d'espérer que cette fois-ci vous arriverez
enfin à pénétrer dans l'œuvre de Merzbow. Vous vous souvenez de vos
premières tentatives. Vous avez exploré une partie infime de la
discographie de Masami Akita. Vous avez essayé ceux qui sont encensés
par les fans (Venereology, Merzbear, Frog+), puis, au hasard quelques
disques de la merzbox et bien sûr quelques collaborations plus ou moins
fructueuses de Jamie Saft à Sunn o))). Vous avez réussi à écouter
plusieurs fois en entier 1930 sur le label Tzadik, ce que vous considérez comme un exploit mais vous gardez surtout en mémoire Untitled For Vasteras sur sphere (toujours chez Tzadik) comme l'expérience la plus réussis. Vous appuyez fébrilement sur le bouton play.
Le disque commence doucement presque au ralenti... puis les basses... De belles vagues de basses qui vous rappelle vaguement Loveless...
mais cela vous semble lointain. Vous décidez d'augmenter le son en
espérant que tous vos voisins sont partis. Vous avez la chance de
pouvoir travailler chez vous sur votre ordinateur en vous installant
comme d'habitude au milieu de vos 4 enceintes + caisson de basse. Puis
le bruit monte doucement... Vous avez dépassé les quatre premières
minutes mais vous vous demandez si vous allez tenir plus longtemps...
vous vous demandez d'où viennent ces cloches lointaines... ça grésille
mais ce n'est pas totalement désagréable... Votre travail répétitif sans
être totalement rébarbatif vous laisse l'esprit libre... Vous montez
dans un train qui part pour l'Italie, vous regrettez de n'avoir pas
emporté de livre, vous vous souvenez alors de La modification
et des raisons qui vous ont amenées à lire ce livre : un article sur le concept de modification chez Levinas et la thématique du voyage. vous
comprenez enfin le lien intime que vous faites entre cette musique, le
voyage et votre vie.
Arrivé à la deuxième plage Processed 1 vous
avez déjà envie de descendre du train pour rentrer chez vous... vous
comprenez immédiatement pourquoi il succède à Processed 3, la nausée
vous guette... Il pleut trop pour sortir du train... De la pluie ? De la
grêle à moins que ce ne soit une pluie de météorites... Ouf ça
s'arrête...
Processed 2, les basses reviennent... c'est lent,
lourd, étrange, ça vibre... Vous pensez alors à tout ce que vous lu sur
les infrabasses et leur potentiel destructeur tant mécanique que
physiologique... Le morceau ne dure que 5 minutes... presque trop
courtes...
Merzbow qui était au premier plan passe au second plan
à partir de Untitled 1... ça grésille franchement...Vous ne savez pas
grand chose de Tamarin à part qu'il vit au Texas et que sa musique est
plutôt du coté obscur entre Drone et Glitch... Untitled 1 n'est donc pas
très drôle et vous évoque des souvenirs enfantins franchement
douloureux de passages chez le dentiste... rassurez vous, ça ne dure que
5 minutes et le morceau qui suit vous consolera...
Il commence
doucement... vous n'êtes pas mort même si votre esprit semble errer
dans les limbes... A votre plus grande surprise vous entendez de la
musique, vous ne savez pas où vous êtes et vous vous laissez guider par
la clarinette de Mark Kolmar. Vous avez un peu peur, un piège peut-être.
Vous restez prudent mais c'est plus fort que vous, la musique est belle
et vous ne voulez pas retourner chez le dentiste... le danger approche à
moins que ce ne soit la ville, le retour à la vie... Vous êtes rassuré,
vous êtes chez vous.
Untitled 3 commence, vous ne reconnaissez
plus la musique, la clarinette a disparu, vous pensiez écouter un disque
du label Tzadik tranquillement chez vous. Vous n'êtes plus chez vous...
vous êtes dans un vaisseau spatial. Vous ignorez la destination. Vous
n'êtes pas rassuré. C'est lent mais vous n'osez imaginer à quelle
vitesse vous vous éloignez de la Terre ni même la durée du voyage, ni ce
qui vous attend... Le seule chose dont vous êtes sûr, c'est que rien ne
sera plus comme avant. Vous profitez de ces derniers instants comme
s'ils étaient les derniers.
Harsh noise from Japon, USA chez Artificial Music Machine, 2005
Lien Spoty
merci de nous frayer un chemin à travers l'art complexe de Merzbow.. c'est pas évident à aborder, faut se faufiler pourprendre le meilleur.. puis le lien avec un point précis de la littérature est très pertinent.
RépondreSupprimerSuperbe billet Esb.. je pars à la recherche de tout ça :D
Et bien. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'on a été prévenu, on sait - ou pas - à quoi s'attendre. Je saute dans un vaisseau spatial libre et j'arrive.
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